Alexander I : le premier Gouvernement fédéral qui fait place à la diversité de genre

Stéphanie Wattier
Professeure à la Faculté de droit de l’Université de Namur

 

Quatre cent nonante cinq jours après les élections de 26 mai 2019, le Gouvernement fédéral – dit « Vivaldi » – emmené par Alexander De Croo a prêté serment dans les mains du Roi ce jeudi matin.

Le casting du nouveau gouvernement mis en place est le suivant : sept ministres de sexe féminin et sept ministres de sexe masculin, l’article 99 de la Constitution imposant un maximum de quinze ministres et le premier ministre étant considéré comme « asexué » linguistiquement. A ce Conseil des ministres nouvellement formé, s’ajoutent cinq Secrétaires d’Etat : trois hommes et deux femmes.

Ce faisant, pour la première fois de l’histoire de la Belgique, le Conseil ministres est composé de manière parfaitement égalitaire entre les hommes et les femmes. Pourtant, cette égalité n’est, en l’état actuel du droit constitutionnel, pas une obligation. En effet, l’article 11bis de la Constitution dispose que « [l]e Conseil des ministres et les Gouvernements de communauté et de région comptent des personnes de sexe différent », ce qui signifie qu’il faut au moins un ministre de sexe masculin et au moins un ministre de sexe féminin.

Cette absence d’exigence d’égalité de genre au sein du pouvoir exécutif est regrettable, d’autant que la présence des femmes dans les fonctions dirigeantes demeure une problématique récurrente, et ce, tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Espérons que le Gouvernement Alexander I pourra donner l’impulsion à ce que la Constitution soit modifiée lors de la prochaine législature afin que l’égalité de genre au sein des gouvernements y soit consacrée.

En ce qui concerne le pouvoir législatif, cette exigence existe déjà depuis 2002 au niveau des listes électorales, qui doivent compter autant d’hommes que de femmes en plus de l’exigence de personnes de sexe différent sur les deux premières places de la liste.

Mais le Gouvernement d’Alexander De Croo va encore plus loin que respecter l’égalité entre femmes et hommes. Il va jusqu’à accueillir la diversité des genres en comptant une personne issue de la communauté LGTBQI+. En effet, pour la première fois, le Gouvernement compte une personne trans*. Si Petra De Sutter est aujourd’hui une femme, elle est née homme il y a 57 ans. Membre du parti Groen, elle sera désormais Vice-première ministre et disposera du portefeuille de la fonction publique et des entreprises publiques.

Cette ouverture à la diversité de genre du nouveau Gouvernement sur le plan de sa composition nous paraît essentielle pour aborder les différents objectifs qu’il s’est fixé. En effet, l’accord de gouvernement donne une place importante aux questions de genre, et spécialement à la problématique des violences de genre qu’il hisse au rang de ses priorités. Il annonce qu’une loi-cadre sera adoptée pour endiguer ce phénomène et que des statistiques seront collectées pour mieux comprendre la dimension genre dans les violences. Il prévoit également de s’interroger sur la potentielle consécration de l’infraction de « féminicide ». S’il est vrai que les violences touchent au premier plan les femmes et que le confinement a confirmé que c’est dans la sphère intime qu’elles sont les plus fréquentes, il en va d’une problématique devant être abordée de manière transversale, en ne négligeant pas la communauté LGTBQI+ qui est également la cible de ces violences, ainsi que les enfants qui en sont souvent les victimes collatérales.