Le développement durable : une question constitutionnelle ?

 « Une loi-Climat "clé sur porte" », une loi spéciale « prête à l’emploi ». En février, un groupe d’académiques des universités du Nord et du Sud du pays présentait leur texte sur les objectifs et institutions belges du développement durable. L’idée majeure portait sur le fait que cette proposition pouvait se transformer en loi spéciale assez facilement. Ce plan a été suivi par les verts et le PTB, mais le Conseil d’Etat a engendré plusieurs problèmes en signalent que la Constitution, dans son état actuel, n’offre pas de base pour une loi spéciale telle qu’elle était prévue.

En tant qu’étudiants au cours de questions spéciales de droit public et administratif, un cours à option donné en faculté de droit à l’université de Namur, nous nous sommes penchés sur la question du développement durable et de l’écologie en relation avec la Constitution. Comment est-ce qu’une politique plus efficace peut être créée ?

L’article 7bis de la Constitution

Cette loi climat a été conçue par des experts universitaires. Elle assigne plusieurs objectifs à la Belgique, dont la réduction des émissions de gaz à effet de serre ainsi que l’augmentation de la part des énergies renouvelables. De plus, cette loi élabore une structure institutionnelle pour coordonner la politique climatique belge avec une agence inter-fédérale, une agence interparlementaire, une conférence inter-ministérielle climat ainsi qu’un comité permanent et indépendant d’experts pour le climat.

Tout d’abord, le texte de la Constitution mentionne assez peu le développement durable mais y fait tout de même référence dans son article 7bis. Celui-ci a été inséré dans la Constitution en 2007 et montre l’intention de la Belgique d’œuvrer pour cette cause. Le développement durable fait ainsi son entrée dans les objectifs de la Constitution.

« 7bis. Dans l’exercice de leurs compétences respectives, l’Etat fédéral, les communautés et les régions poursuivent les objectifs d’un développement durable, dans ses dimensions sociale, économique et environnementale, en tenant compte de la solidarité entre les générations. »

Récemment, nous avons pu constater que de nombreuses discussions ont eu lieu concernant cet article. Pour remédier aux critiques du Conseil d’État qu’une loi spéciale contenant des objectifs mandataires pour les régions et le niveau fédéral toucherait aux répartitions des compétences et – ainsi – nécessiterait un mandat constitutionnel, l’idée a été lancée d’insérer un tel mandat dans l’article 7bis de la Constitution. Cette modification était tout à fait possible parce que l’article 7bis figurait sur la liste des articles ouvertes à une révision pendant la législature 2014-2019. Néanmoins, la majorité nécessaire de deux-tiers n’a pas été atteinte en séance plénière de la chambre, et la révision de l’article 7bis a été rejetée, créant un énorme vent d’insatisfaction du côté des partisans et manifestants pour le climat. En effet, le texte n’a pas eu la légitimité démocratique nécessaire. La révision de l’article 7bis était pourtant une nécessité pour la création de la loi spéciale pour le climat.

Il est certain que la modification de l’article 7bis aurait pu être une grande avancée en matière de développement durable étant donné que le droit qui découle de la constitution fixe la marche que doivent suivre tous les organes et institutions belges.

Bien que cela sonne comme une défaite de l’écologie, la consécration directe dans la Constitution ou dans une loi spéciale d’avantages et d’objectifs de « développement durable » n’est pas primordiale et n’est certainement pas le seule remède aux problèmes écologiques. Notons que l’article 7bis de la Constitution figure de nouveau sur la liste des articles à réviser sous la prochaine législature. Cela vaut donc la peine d’explorer des autres pistes, à côté de la création de la création d’une loi spéciale.

Alternatives ?

Lors de notre cours nous avons dès lors dégagé d’autres pistes de solutions pour adopter une politique climatique coordonnée, notamment un accord de coopération entre les différentes régions du pays qui pourrait régler certains aspects. Au niveau de son adoption, un accord de ce type peut être adopté plus aisément qu’un changement de Constitution mais cela risque d’entrainer de longues années de négociations avant que les entités s’entendent.

Une autre piste à considérer est la création d’un mandat constitutionnel pour une simple loi fédérale contentant les objectifs de la politique climatique du pays. Non seulement l’introduction d’un nouveau article dans de la Constitution demande une procédure très lourde et une majorité élevée au sein du Parlement, cela vaut également pour une loi spéciale ou pour sa modification. En insérant des objectifs concrets dans la Constitution ou dans une loi spéciale, il serait assez compliqué de les rectifier par après. En revanche, une simple loi est soumise à une procédure moins lourde et pourrait être plus efficace pour répondre aux évolutions scientifiques ou politiques internationales.

La loi spéciale climat envisageait la création des structures de coopération et de concertation entre les différents gouvernements et parlements responsables de la politique climatique. Finalement, dans l’attente d’une loi spéciale ou d’un accord de coopération plus avancé, la piste restante est une utilisation plus optimale des structures de concertations qui existent déjà à l’heure actuelle, à savoir le Comité de concertation et le Sénat.

 

Ségolène Gilson, Alicia Doum et Marylou Jaumain, étudiantes au cours de ‘Bijzondere vraagstukken Staats en Bestuursrecht’, à l’Université de Namur) ; Johan Lievens, maître de conférences en droit public à l’UNamur et la VU Amsterdam