Les enjeux juridiques des rapports entre religion et genre [1]

Le 15 septembre 2017 a été lancé en Communauté française le nouveau Master en Etudes de genre. Réunissant l’ensemble des Universités francophones de Belgique, ce Master interuniversitaire constitue, outre un pas important pour l’enseignement, une opportunité pour les chercheurs de toutes les branches des sciences humaines de se saisir des enjeux liés au genre que recèle notre société contemporaine.

D’un point de vue juridique, l’un des enjeux aujourd’hui est – parmi de nombreux autres car le genre présente la particularité de traverser l’ensemble des branches du droit – celui des rapports entre religion et genre.

Plus précisément, il s’agit, dans une perspective juridique, de s’interroger sur la rencontre des enjeux liés au genre – en tant que notion faisant référence à une construction politique, sociale et culturelle de la différence des sexes – et ceux liés à la protection de la liberté de religion.

S’agissant de la liberté religieuse, l’on remarquera que les textes juridiques de droit positif, qu’ils soient nationaux ou internationaux, l’envisagent généralement sous la forme d’énoncés genderblind (« aveugles au genre »). En effet, tant l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme que l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, pour ne citer que ces deux exemples, disposent que « [t]oute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ». Par contraste, l’on notera que la plupart des droits religieux sont genrés, avec notamment une exclusion des femmes de certaines fonctions cultuelles.

L’un des enjeux juridiques des rapports entre religion et genre consiste donc en la résolution d’une forme de conflits de droits entre, d’une part, la protection de la liberté de religion et, d’autre part, la lutte pour l’égalité et la non-discrimination, principale revendication des analyses de genre.

Dans ce contexte, l’on voit naître une préoccupation par rapport au risque que peut emporter la garantie de la liberté religieuse lorsque la résolution du conflit de droit emporte une atteinte au principe d’égalité et de non-discrimination (l’on songe par exemple aux exceptions permises à l’endroit des communautés religieuses d’employer des hommes à l’exclusion des femmes dans des fonctions pour des raisons convictionnelles). Aussi, en vue d’éviter que la protection de la liberté de religion n’emporte la violation des droits des femmes, certaines recommandations internationales – comme par exemple l’observation générale n° 22 du Comité des droits de l’Homme relative au droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion – précisent que la protection de la liberté de religion ne saurait autoriser un Etat, un groupe ou une personne à violer le droit des femmes.

Il reste que ces recommandations posent question sur le plan de leur caractère juridique contraignant, ce qui a pour conséquence que la lutte pour la protection des droits des femmes et de l’égalité entre hommes et femmes constitue un enjeu crucial en droit pour lequel, si des avancées peuvent certainement être notées, le chemin reste encore long à parcourir…

Stéphanie Wattier

[1] Le 19 octobre 2017, Stéphanie Wattier est intervenue dans le cadre de la Chaire Tolérance de l’Université catholique de Louvain sur la thématique des enjeux juridiques des rapports entre religion et genre.